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DILATATION-TORSION DE CAILLETTE : UNE AFFECTION RARE QUI PEUT ÊTRE MORTELLE

MATHIEU TAVEAU, VÉTÉRINAIRE DANS LE TARN

Quand la caillette se gonfle de gaz et se tord, l'issue est fatale pour une vache sur deux. Il faut opérer en urgence, ce qui ne suffit pas toujours.

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CE SAMEDI D'AVRIL, UN ÉLEVEUR DE PRIM'HOLSTEINS nous sollicite pour examiner une primipare dont la production a fortement chuté. Une baisse d'appétit et une absence de rumination ont également été constatées. Âgé de trois ans, l'animal a vêlé il y a cinq mois, est gestant de 80 jours et a été contrôlé à 36 kg de lait au maximum de sa production. Un examen clinique est effectué : sa température rectale est de 38,2°C, les bouses sont peu abondantes, bien digérées et les contractions ruminales sont quasiment absentes. L'auscultation révèle également un bruit anormal dans le flanc droit au niveau de la zone d'auscultation de la caillette qui correspond au dernier « estomac » chez la vache. La fouille rectale met en évidence un viscère gonflé et tendu dans ce même côté droit.

INTERVENTION CHIRURGICALE EN URGENCE

L'ensemble de ces symptômes oriente fortement vers une affection rare et grave touchant les vaches laitières hautes productrices : la dilatation-torsion de caillette. Dans ce syndrome, la caillette ne parvient pas à se vidanger correctement et se gonfle progressivement de gaz, allant jusqu'à se tordre du fait de contraintes anatomiques. La torsion induit alors une diminution, voire un arrêt de la circulation sanguine, ce qui peut engendrer en quelques heures des lésions tissulaires irréversibles.

L'intervention chirurgicale en urgence est décidée. Une fois le matériel nécessaire préparé, la vache est rasée au niveau du flanc droit et une incision verticale est réalisée. L'examen de la caillette révèle effectivement une dilatation importante, associée à une modification de la position du pylore, extrémité de la caillette qui fait la jonction avec l'intestin. La torsion de caillette est donc confirmée. La caillette est dégonflée à l'aide d'un tuyau relié à une aiguille et remise progressivement dans sa position naturelle. L'examen visuel de la caillette et du pylore montre une inflammation généralisée importante mais sans perforation. La caillette et le pylore sont fixés à la paroi musculaire et l'incision est refermée. Nous pratiquons alors une perfusion pour apporter une complémentation énergétique à la vache laitière et relancer la motricité du tube digestif, en association avec une injection d'antibiotiques. Des pansements digestifs sont également administrés par voie orale pour enrayer l'inflammation.

Un appel téléphonique le lendemain matin nous informe que la vache va nettement mieux et que l'alimentation et la rumination ont repris. Le traitement associant antibiotiques et pansements digestifs est maintenu pendant plusieurs jours. Nous y ajoutons une molécule induisant la vidange de la caillette. Le régime alimentaire est modifié avec du foin de bonne qualité exclusivement et à volonté pendant trois jours, suivi d'une réintroduction progressive de l'ensilage et des concentrés. L'animal reparti en production est réintroduit dans le cheptel laitier dix jours après l'intervention.

Le syndrome dilatation-torsion de caillette est une affection rare chez la vache laitière. En effet, on estime que pour neuf déplacements de caillette à gauche, on compte une dilatation- torsion. C'est également une affection grave dans la mesure où moins d'une vache sur deux survit, même après une intervention chirurgicale réalisée dans les meilleurs délais. Les lésions liées à la diminution de circulation sanguine peuvent en effet être irréversibles, notamment si la torsion est dépistée tardivement.

Dans le cas de cette vache, il est intéressant de noter que le propriétaire avait observé des épisodes passagers de douleurs abdominales et de baisses d'appétit avant l'apparition de symptômes plus francs.

Le dysfonctionnement de la caillette datait probablement et un dépistage précoce aurait permis d'intervenir sans que le pronostic vital de l'animal soit engagé.

UNE ORIGINE ALIMENTAIRE VOIRE INFECTIEUSE

Les facteurs à l'origine des troubles de motricité de la caillette (dilatation-déplacement- torsion) sont principalement d'origine alimentaire. Les transitions alimentaires brutales à la suite de l'ouverture d'un silo ou d'une augmentation trop rapide des niveaux de concentrés dans la période du début de lactation en sont des facteurs déterminants bien identifiés. La subacidose, correspondant à un excès de glucides cytoplasmiques et/ou à un déficit en fibres dans la ration, est également incriminée. Enfin, certaines pathologies infectieuses telles que métrites et mammites semblent jouer un rôle dans l'apparition de ces troubles du fait des toxines bactériennes qui diminuent la motricité de la caillette.

L'intervention chirurgicale en urgence a été ici un facteur déterminant pour la survie et la récupération rapide de cette vache. Aux dernières nouvelles la gestation a également été préservée.

Dix jours après l'intervention, la vache a retrouvé sa place dans le troupeau. Sa gestation semble se poursuivre normalement.

© MATHIEU TAVEAU

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